mardi 16 décembre 2008

Dominique PECAUD : Voyage dans la ville fantôme



J’aimais leur terre qu’ils avaient souillée plus encore qu’au moment où elle était un paradis, et seulement parce que le malheur y était apparu.

F. Dostoïevski, Le rêve d’un homme ridicule

Pourquoi aller à Tchernobyl ? Une semaine passée à Kiev, à moins de cent cinquante kilomètres du « point-zéro » de la célèbre centrale fut l’occasion d’un retour sur soi. Il se traduisit par une réflexion sur la compassion. Cette réflexion fut aussi l’expérience d’un voyage intérieur. Mais de quel voyage s’est-il agi ? De quelle compassion fut-il question ?

La compassion est un sentiment qui permet le déploiement de soi dans un rapport intentionnel à l’autre, l’autre étant ressenti comme un autre soi-même. Ce sentiment est avant tout altruiste. Il exige de prêter attention à l’autre. Mais cette orientation vers l’autre comporte un retour sur soi. Si la compassion vise l’autre comme sujet de souci, elle alimente le souci de soi. Si la compassion est moralement altruiste, elle est psychologiquement égoïste.

Mais l’égoïsme nécessaire à l’épreuve de la compassion enferme le risque de participer à l’oubli de l’autre. Quelle reconnaissance du degré d’humanité de l’autre permettrait donc de sortir du danger solipsiste inhérent à l’expérience de la compassion ? Éprouver une difficulté pour répondre à cette question traduit la difficulté à envisager le souci de soi dans le cadre d’une humanité qui n’exclut aucun être, qu’il soit humain ou non-humain.

À travers le surgissement spectaculaire des lieux, le voyage à Tchernobyl devient la source d’une expérience de la compassion. Pourtant, le voyage se veut confrontation à la souffrance engendrée par la folie technique. Mais proclamer a priori l’universalité de cette souffrance suffit-il à éprouver une compassion à la hauteur de la souffrance éprouvée par les victimes de cette folie ? La proclamation hâtive de l’universalité éloigne cette possibilité. Elle néglige la lenteur nécessaire au cheminement compassionnel qui exige que l’autre puisse d’abord être considéré comme un autre soi-même. La confrontation au réel proposé empêche cette lenteur. La sollicitation brutale des lieux, le surgissement de quelques objets familiers expulse l’autre. Frappés par le spectacle proposé, aveuglés par la mise en scène involontaire de l’horreur, ne pleurons-nous plus que sur nous-mêmes ?

C’est fou comme on photographie Tchernobyl à Tchernobyl. C’est fou comme on se photographie devant le sarcophage de la centrale, comme si l’incertitude de notre présence était levée par la silhouette médiatisée. Le « monument » de Tchernobyl témoigne de l’accomplissement du voyage. L’exploit d’une résidence fût-elle provisoire devient incontestable. Environ trois mille visiteurs annuels pris en charge par deux opérateurs visitent Tchernobyl. L’association Pripyat.com fondée et animée par des anciens habitants de la ville éponyme cherche à maintenir la mémoire du lieu et à favoriser la venue des anciens résidants. L’autre, une organisation privée, souligne, dans la rubrique What to see du guide touristique de Kiev, l’originalité du produit proposé. « It’s not every trip abroad you have the chance to visit the site of the world’worst nuclear accident, is-it ? ».

Aller à Tchernobyl, ce serait marcher, sur les traces d’une humanité présente et disparue. Chacun ferait l’expérience du sentiment de compassion en face d’une humanité mimétique, définie par le spectacle de ce qui la menace et la détruit. Touristes occidentaux avides de sensations, ukrainiens, russes et biélorusses venus voir ce qu’on leur a caché à l’époque. « Liquidateurs » venant mesurer avec modestie un exploit réalisé comme en état de guerre, la guerre contre l’atome. On croise à Pripyat des photos abandonnées le jour du départ ou déposées depuis dans des reliquaires improvisés. Elles sont là pour témoigner de la présence passée ou de la disparition présente. On peut trouver des jouets, des objets de cuisine, des petits mots qui organisaient la vie quotidienne. On peut côtoyer tout ce qui peut lier le voyageur à l’intimité des habitants « déplacés » et que les pilleurs ont laissé sur place par manque de valeur marchande. Le reste a disparu. On peut même voir des objets que des journalistes peu ou trop scrupuleux ont mis en scène pour mieux rendre compte du malheur passé. Faudrait-il donc parfois montrer plus pour donner à voir juste ?

La vision de la ville de Pripyat abandonnée par sa population de cinquante mille personnes trente-six heures après l’explosion du réacteur numéro quatre, cette ruine urbaine qui se fabrique depuis vingt ans pourrait aider le voyageur introspectif à mesurer l’humanité de sa relation aux autres, ceux qu’il ne connaît pas mais dont il a décidé une fois pour toutes qu’ils lui ressemblaient. Plus nous serions convaincus que les morts ou les absents nous ressemblent, plus notre trouble deviendrait grand et généreux. Frères humains

Cette vision de l’extérieur que livre la résidence provisoire de Tchernobyl peut-elle devenir expérience intérieure ? Le voyage devient immobile, à distance. La compassion apparaît sous les traits d’un soliloque intime et silencieux qui se veut orienté vers les autres, ceux de Tchernobyl, les morts comme les absents d’aujourd’hui. C’est comme si le spectacle proposé se contentait des ombres ou des échos. Un spectacle ressenti.

Prenons garde ! Faire l’expérience de cette empathie ne garantit d’aucune manière de sortir du solipsisme que contient l’expérience du sentiment de compassion. Pleurer sur le sort des autres, ce n’est peut-être que pleurer sur soi-même. Pleurer sur les autres, c’est anticiper sur notre propre sort, celui d’aujourd’hui ou celui qui est à venir. C’est anticiper sur notre disparition, le grand malheur qu’elle peut représenter pour nous-mêmes comme pour ceux dont nous pensons qu’ils tiennent à nous. Mais ce n’est que nous qui mesurons cela. Ceux qui nous font souffrir de leur souffrance restent indifférents à celle-là. L’expression du sentiment de compassion s’inscrit dans un retour sur soi à peine exprimable. Son épreuve indique aux autres combien nous nous aimons trop ou mal, trop et mal. Par l’expression de cet amour de soi excessif ou monstrueux, nous leur faisons savoir, sans que nous le sachions nous-mêmes, que nous leur interdisons l’amour altruiste qu’ils pourraient ou auraient pu nous offrir.

Comment donc sortir du solipsisme compassionnel pour éprouver à travers l’autre le sentiment d’une réelle universalité de l’humanité ? Est-ce possible de le faire ? Aller ou ne pas aller à Tchernobyl renvoie au statut de l’objet à partir duquel un sentiment compassionnel qui ne serait pas uniquement solipsiste pourrait être éprouvé. Quelle est la familiarité avec l’objet sur lequel il porte et qui devient nécessaire pour éprouver l’universalité de l’humanité sans que celle-là nourrisse le leurre d’un narcissisme qui nous cloue à nous-même ?

Quand Tchernobyl tours offre « a trip to a ghost town », l’épreuve de l’immobilité, du retour sur soi pour faciliter le retrait de soi devient nécessaire. C’est la condition pour rendre à Tchernobyl son humanité. Cette épreuve peut aider à gommer de ce lieu l’inhumanité dans laquelle l’explosion du réacteur n°4 l’a plongée le vendredi 26 avril 1986 à une heure du matin. Elle aide aussi à écarter l’illusion d’une identité construite sur le spectacle, fut-il mortifère, spectacle qui menace toujours l’épreuve du sentiment de compassion.

Maxime[1] est revenu à Tchernobyl. Il a relevé les traces du bonheur de ce lieu alors habité. Seuls ceux qui ont vécu à Pripyat avant l’explosion possèdent ce pouvoir. Maxime témoigne de l’intimité de son voyage. Il n’a de cesse de retrouver les lieux et les objets du bonheur d’être enfant : un magasin de jouets, une balle en caoutchouc rayée de rouge, le poster accroché dans sa chambre soutenant le visage bienveillant et attentif d’un cheval blanc. À l’aune de l’expérience du bonheur retrouvé, il mesure son malheur. Une perte ? Non, LA perte. L’enfance ressurgit dans les ruines, et la disparition de l’enfance ruine le lieu. Le regard de ce cheval attentif, le museau posé sur la porte de l’écurie, l’invitation à la douceur, toujours là, et qu’il va devoir abandonner à nouveau. Le cheval, son cheval va retourner au silence. Maxime en a décidé ainsi. C’est leur silence. L’attente du retour sera rompue. Maxime ne reviendra plus à Tchernobyl. Jusqu’où l’un et l’autre éprouveront-ils cette solitude insupportable dans le présent, cette solitude qui ne peut surgir que dans le silence, le recueillement ou la révolte, et qui ne peut se dissoudre que dans la séparation ? Maxime acceptera-t-il de laisser là son passé pour tenter de se construire autrement ?

Que peut donc éprouver l’autre voyageur, celui qui prend les signes à la figure et qu’il interprète comme les traces du malheur alors qu’ils sont encore pour Maxime les traces de son bonheur disparu ? Ce voyageur, sans le vouloir, risque de maintenir à tout prix l’inhumanité du lieu, Il risque de perdre toute humanité alors même qu’il en guette les manifestations. Il risque de s’empêcher et d’empêcher les autres d’accéder à l’obligation de rendre à ce lieu son humanité. L’accès et le recours à celle-là est indispensable à l’expression d’un sentiment de compassion non solipsiste capable d’offrir aux humains comme aux non-humains l’expérience dont parle Paul Ricœur[2] de s’éprouver soi-même comme un autre. Le faire revient à éprouver l’autre comme soi. Le spectaculaire, l’inventaire du plein du lieu ne peut qu’entraver ce sentiment.

Il reste à concevoir un mémorial pour Tchernobyl qui rende possible l’épreuve d’une compassion qui ne s’arrête pas à soi-même. Ce mémorial qu’il soit matériel ou spirituel ne pourrait être que vide. Ce serait la condition pour qu’il n’offre aucun obstacle à l’épreuve d’une altérité universelle, aucun obstacle pour s’aimer plus que soi-même et pour s’aimer au-delà de soi-même, condition d’accès au sentiment d’humanité qui fonde l’autre comme soi-même.

Le cheval veille dans la chambre de Maxime. Depuis, Maxime est mort du mal de Tchernobyl.



[1] White Horse, Film de Maryann De Leo et Christophe Bisson, produit par Downtown TV Documentaries, New York City, 2007.

[2] Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, éditions Point/le Seuil, Paris, 1990

lundi 8 décembre 2008

Mycle Schneider : Le nucléaire en France Au-delà du mythe

Mycle Schneider
Consultant international en politique énergétique et nucléaire
Commandité par le Groupe des Verts/ALE au Parlement Européen

Pour toute question ou commentaire, merci de contacter :
Michel Raquet
Conseiller énergie
Les Verts / ALE
Parlement européen
PHS 06C69
Rue Wiertzstraat
B-1047 Bruxelles
Tél : +32.2.284.23.58
Courriel : mraquet@europarl.eu.int
Internet : www.greens-efa.org
Pour contacter l’auteur :
Mycle Schneider Consulting
45, Allée des deux cèdres
91210 Draveil (Paris)
France
Skype : mycleschneider
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Fax : +33-1-69 40 98 75
Courriel : mycle@orange.fr


L'énergie nucléaire est en vogue, et la France est présentée comme le modèle du succès nucléaire.
Même aux Etats-Unis, où encore récemment tout ce qui était français était mal vu, le nucléaire français est présenté comme l'exemple radieux. “Il est temps de regarder vers la France”, écrivait le chroniqueur du New York Times Roger Cohen, “ils ont la tête bien en place, avec un nucléaire qui atteint les 70 % d’avis favorables”. Et dans la même veine, l'ancien candidat républicain à la présidence John McCain s’interrogeait : “Si la France peut produire 80 % de son électricité avec le nucléaire, pourquoi pas nous ?”.
Le gouvernement Sarkozy-Fillon, qui assure la présidence du Conseil des Ministres de l’Union
européenne, a opté pour une promotion massive du nucléaire, y compris à l’intention des nouveaux venus comme l’Algérie, la Jordanie, la Libye, le Maroc, la Tunisie ou les Emirats Arabes Unis. Et le président Sarkozy de déclarer à Marrakech : “Il y en a bien en France, pourquoi n’y en aurait-il pas au Maroc ?”1 Le Président français parcourt le monde à la manière d’un VRP d’une industrie nucléaire rutilante, du Moyen-orient à la Chine, du Brésil à l’Inde. Le 29 septembre 2008, avant même que le Congrès américain n’ait donné le feu vert à l’accord nucléaire USA-Inde, la France signait un accord de coopération similaire avec l’Inde.
La compagnie publique EDF a amplifié sa propre stratégie internationale, avec la récente acquisition de British Energy, le projet d'augmentation de sa participation dans la compagnie américaine Constellation, et la création de la Guangdong Taishan Nuclear Power Joint Venture Company, détenue à 30 % par EDF pendant 50 ans, dont l’objectif est la construction et l’exploitation de deux réacteurs EPR. “Les demandes de pays qui souhaitent bénéficier de cette énergie propre et peu coûteuse sont légitimes”, déclarait le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner.
Mais en réalité, cela marche-t-il si bien, et est-ce si propre et peu coûteux ? Avec la montée apparente de l’acceptation du nucléaire dans l’Union européenne, et au-delà, il n’est pas inutile de regarder de plus près le “modèle français”.

Les questions politiques et sociales

En 1946, le gouvernement français nationalisait l’industrie du gaz et de l’électricité, et créait les deux monopoles d’Etat Electricité de France (EDF) et Gaz de France (GDF). La loi stipulait que 1 % du chiffre d’affaires des compagnies alimenterait un fond qui serait géré par un comité de direction composé de représentants des syndicats en fonction des résultats obtenus aux élections du personnels.
Cet arrangement constituait une garantie à long terme de “paix social”. Il n’est pas surprenant qu’EDF ait été moins touchée par les grèves que d’autres entreprises françaises, et que les syndicalistes ne procèdent qu’en de rares occasions à des coupures de courant. En plus de tarifs moyens avantageux accordés aux employés, jusqu'au milieu des années 1980, EDF pratiquait une politique de tarifs réduits dans les environs des centrales nucléaires, pendant les phases de projet et de construction, afin de faciliter l’acceptation du public, pratique qui a fini par être jugée illégale par les tribunaux, parce qu’en violation flagrante avec le principe d’équité.

Une gestion technocratique de l’élite plutôt que la démocratie
Jusqu’en 1991, la France ne disposait d’aucune législation spécifique au nucléaire. La loi de 1991
s’est limitée à la question de la recherche et développement sur les déchets nucléaires de haute
activité. Et ce n’est qu’à partir de 2006, avec la “Loi relative à la transparence et à la sécurité en
matière nucléaire” qu’une législation spécifique a vue le jour. Le lancement du programme nucléaire français n’a jamais été soumis à un vote au Parlement. Les “débats sur l’énergie” organisés dans différentes villes à partir de 2004, de même que les débats organisés par la “Commission nationale du débat public” n’ont d’aucune façon influencé la décision. Des décisions fondamentales comme la construction du premier EPR (European Pressurized water Reactor) de génération III à Flamanville ont été prises avant même la tenue de débats publics et parlementaires. Et ce n’est pas une coïncidence. Les députés ont toujours eu une influence très limitée sur le développement, l’orientation, la conception et la mise en oeuvre de la politique énergétique et nucléaire de la France. Le domaine est totalement sous contrôle de l’élite des technocrates, le Corps des Mines qui a réussi à imposer des orientations politiques à long terme comme le programme nucléaire, complètement en dehors des soucis électoraux. Ce mécanisme représente un avantage énorme sur le plan de la planification à long terme de gros projets d’infrastructure. Mais il constitue aussi un énorme inconvénient au niveau de la démocratie du processus de prise de décision, et un handicap majeur quant une réorientation des politiques s'avèrent indispensable.

L’accès à l’information
L’accès à l’information dans le domaine du nucléaire en France est limité. La confiance dans les
informations fournies par les pouvoirs publics et l’industrie a été totalement anéantie après
Tchernobyl, alors que le gouvernement français prétendait que “le territoire français, en raison de son éloignement, a été totalement épargné par les retombées de radionucléides”. La confiance n'a jamais été rétablie et, dans les sondages, le gouvernement occupe toujours la dernière place en termes de fiabilité comme source d'information sur le nucléaire. La loi sur la transparence et la sécurité nucléaire a été adoptée le 13 juin 2006, et il reste à voir si elle fournira une base appropriée à un véritable changement.

Le subventionnement croisé civil – militaire
Le programme nucléaire civil a largement profité du programme militaire, et inversement. Les
accords de garantie ont été définis de façon à permettre à la France une utilisation systématique des installations et des matières à des fins civiles ou militaires. Ceci n’est pas seulement pratique d’un point de vue technique, mais représente des avantages financiers évidents par rapport à une séparation stricte entre usages civils et militaires.
Des garanties façonnées pour répondre aux besoins militaires. Dans le cadre de l'accord de
garanties tripartite entre la France, Euratom et l’AIEA, l’AIEA était sensée pouvoir contrôler les
matières nucléaire provenant de différents pays pour lesquelles la France avait accepté les garanties de l’AIEA, tout en n’intervenant pas dans le programme militaire français. En pratique, la France est libre d’utiliser ses installations à des fins militaires à la condition de le déclarer à l’AIEA et à Euratom. La R&D civile et militaire. La recherche nucléaire est sans conteste un domaine où le recoupement entre civil et militaire a joué un rôle important. Entre 1985 et 2001, la fission nucléaire a représenté entre 75 et 86 % des dépenses publiques consacrées à la recherche sur l’énergie en France. Au cours des dernières années, d’avantage de ressources ont été octroyées aux autres technologies de l’énergie, en particulier les combustibles fossiles (18%-22%). Alors que l’efficacité énergétique et l’ensemble des énergies renouvelables sont passés de moins de 1% en 1997, à 8% et 5 % respectivement, les efforts de recherche dans ces domaines en France restant extrêmement faibles. Autres schémas de subventionnements croisés surprenants. Le développement des systèmes de contrôle-comande des centrales nucléaires a bénéficié du système développé pour la centrale à concentration solaire de Thémis.

L’industrie du plutonium
La France a mis en place un programme de retraitement des combustibles irradiés prévu à l’origine pour approvisionner son programme d’armement nucléaire. Par la suite, la perspective d’une introduction rapide de surgénérateurs alimentés en plutonium a entraîné un programme massif de séparation du plutonium pour les besoins civils qui a commencé avec la mise en service de l’usine de Mycle Schneider Le nucléaire en France – Au-delà du mythe Décembre 2008 5
La Hague en 1966. La séparation de plutonium à des fins militaires a été arrêtée en France en 1993, mais le retraitement civil s’y poursuit. La faillite du surgénérateur. La France a abandonné son programme surgénérateur en 1998, avec l’arrêt définitif officiel de Superphénix, l’unique surgénérateur de taille industrielle au monde. Mis en service en 1986, ce réacteur de 1.200 MW n’a produit de l’électricité que pendant six des douze années au cours desquelles il a été officiellement en service. Avec une production cumulée de 8,3 TWh, Superphénix a produit un kWh de l’ordre de 1,35 € (par rapport au tarif de rachat de 0,55 € du solaire)
Clients étrangers abandonnent retraitement à La Hague. A la fin 2007, la quantité totale de
combustible irradié étranger en attente de retraitement était si faible, environ 6 tonnes en tout,
qu’AREVA NC donnait en kilogrammes les quantités de chaque pays client. Mais dans le même
temps, la quantité totale de combustible irradié en attente de retraitement à La Hague était de
8.850 tonnes environ, à 99,8 % d’origine française. EDF a un important stock d’environ 12.000 tonnes de combustibles irradiés, dont les trois quarts sont stockés à La Hague, ce qui représente l’équivalent de 10 années de production, au niveau actuel de retraitement. Depuis 1987, la France a également accumulé un énorme stock de plus de 50 tonnes de plutonium non-irradié, dont plus de la moitié est stockée sous forme de plutonium séparé à La Hague, à quoi s'ajoutent plus de 30 tonnes de plutonium séparé des clients étrangers d’AREVA.

Le plutonium n’a pas de valeur comptable et une valeur marchande négative. Depuis 1995, EDF
a attribué dans sa comptabilité une valeur nulle à ses stocks de plutonium séparé, ainsi qu’à ses stocks d’uranium retraité. En conséquence, EDF facture à la compagnie néerlandaise EPZ, au lieu de la payer, la prise en charge de son plutonium. Le subventionnement massif par EDF de l’industrie du plutonium d’AREVA est devenu insupportable, et la direction d’EDF n’a toujours pas signé d’accord à long terme qui devait remplacer le contrat de retraitement / fabrication de MOX arrivé à échéance.
Le retraitement est extrêmement polluant. La dose collective globale sur 100.000 ans – due en
partie aux rejets de La Hague des émetteurs de faible activité, mais à vie longue - krypton-85 (demivie de 11 ans), carbone-14 (5.700 ans) et iode-129 (16 million d’années) a été récemment recalculée à 3.600 homme.Sievert par an, supérieur à l’impact du feu de Windscale au Royaume Uni en 1957 qui avait entraîné une contamination étendue. La poursuite de tels niveaux de rejets pendant le reste de la durée de fonctionnement de La Hague pourrait causer plus de 3.000 cancers mortels supplémentaires. L’économie du plutonium engendre des risques élevés au niveau de la sécurité. Il y a en moyenne en France deux transports routiers par semaine de plus de 100 kg de plutonium séparé, utilisable pour la fabrication de bombes, sur une distance de plus 1.000 km entre La Hague et les installations fabrication de MOX de Marcoule. L'inhalation de quelques microgrammes de plutonium peut provoquer un cancer du poumon, quelques kilogrammes suffisent à la fabrication d'un engin explosif.

Du pétrole, de la dépendance énergétique et du nucléaire
Le nucléaire ne fournit que 16 % environ de l’énergie finale en France, alors que les combustibles
fossiles continuent de couvrir plus de 70 % de la demande. En 2007, après trois décennies de
développement nucléaire massif, le pétrole à lui seul représente près de la moitié de l’énergie finale consommée en France. L’objectif affiché du gouvernement français en 1974 de garantir
l’indépendance de la France face au pétrole par le développement du nucléaire reste surprenant, alors que la production d’électricité ne représentait pas 12 % de la consommation de pétrole du pays en 1973.
Le secteur fondamental pour le pétrole reste les transports. La substitution du pétrole dans la
production d’électricité a réduit la part de l’électricité dans la consommation de pétrole à 1,5 % en 1985, alors que la consommation globale de pétrole atteignait son plus bas niveau. Le contre-choc pétrolier de 1985 a entraîné une relance immédiate de la consommation globale de pétrole, et à la fin des années quatre-vingt-dix, elle retrouvait le niveau du début des années quatre-vingt – malgré le programme nucléaire. Et en 2007, la consommation de pétrole par habitant en France – 1,5 Mtep –était plus élevée que la moyenne de l’Union Européenne, alors que la consommation en Italie, qui a arrêté le nucléaire, et en Allemagne, qui est en train de sortir du nucléaire, était de 1,4 Mtep. Des émissions de CO2 stabilisées, mais plus élevées qu’au milieu des années quatre-vingt. Alors que les émissions par habitant restent plus faibles que dans les pays voisins, il n’y a pas de réduction structurelle identifiable des émissions. En 2006, les émissions totales de gaz à effet de serre en France étaient de 4 % inférieures au niveau de 1990. Mais ceci n'est guère dû au secteur de l’électricité. En fait en 2005, les émissions dues à la production publique d’électricité et de chaleur étaient de 5 % supérieures au niveau de 1990. Les réductions importantes ont été réalisées sur les émissions de N2O liées à la production d’acide adipique (malgré une augmentation de 40 % dans le secteur de l’énergie), alors que les émissions de CO2 imputables au transport routier ont considérablement augmenté au cours de la même période (+17 %).

Chaleur électrique et commerce d’électricité
Dans les années quatre-vingt, on a mis en place une importante surcapacité de production d’électricité, comme dans les raffineries et l’industrie du combustible nucléaire, et la plupart des initiatives “d’intelligence énergétique” basées sur l’efficacité et les économies d’énergie ont été abandonnées. En 2007, les centrales nucléaires, qui représentaient en France 54 % de la capacité installée ont produit 77 % de l’électricité, les centrales thermiques classiques (charbon, gaz, pétrole) 10 %, l’hydraulique 10 % et les autres sources renouvelables 1,4 %.
EDF a poursuivi une politique très agressive sur deux fronts : contrats long terme d’exportation
d’électricité de base et dumping d’électricité sur les secteurs concurrentiels comme le chauffage et l’eau chaude sanitaire. La France est devenu le plus gros exportateur net de courrant en Europe.
Depuis, il y a une tendance à la stabilisation côté exportations (80-90 TWh) mais un accroissement des importations (environ 25-30 TWh), le solde exportateur s’établissant autours de 60 TWh.
La pointe de consommation s’est envolée dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, en
particulier en raison de l’introduction massive du chauffage électrique. Non seulement la pointe
journalière a plus que doublé, pour atteindre près de 90 GW début 2008, mais la différence entre la l’appel de charge minimum en été et la pointe en hiver a plus que doublé et atteignait 57 GW en 2006.
Entre 2006 et 2007, la France a importé près de 30 TWh en moyenne par année dont 17 TWh
d’Allemagne. Les approvisionnements à court terme pour faire face à la pointe de consommation
peuvent être plusieurs fois plus chers que les exportations de base dans le cadre d’accords pluriannuels.
L'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) et RTE, filiale d'EDF,
ont calculé que le contenu en CO2 du kWh importé pour les besoins du chauffage électrique était entre 500 et 600 grammes, soit environ trois fois les émissions d'un chauffage central au gaz. De plus, EDF a décidé de remettre en service 2.600 MW de capacité de production au pétrole mise sous cocon, dont la plus vieille avait été mise en service en 1968. Déjà ces dernières années, la France a produit deux fois plus d'électricité dans des centrales au fioul que, par exemple, le Royaume Uni.
Le gaspillage de l’électricité sous forme de chaleur est “une erreur”, “une folie française” “et même une aberration d’un point de vue thermodynamique”, selon la secrétaire d’Etat à l’écologie, Natalie Kosiusko-Morizet. Aujourd’hui, la consommation d’électricité par habitant en France est d'un quart environ plus élevée qu’en Italie et 15 % plus élevée que la moyenne de l’Union Européenne.

Indépendance énergétique ?
Le mythe de “l’indépendance énergétique” grâce au nucléaire s’est maintenu au cours des
35 dernières années. Cela tient entre autres à certains nombres de biais que l’on peut décortiquer pour l’année 2007, pour laquelle le ministère de l’Industrie a annoncé un taux d’indépendance énergétique de 50 % :
a) Les exportations d’électricité devraient être exclues du bilan
b) Il faudrait déduire l’auto-consommation du secteur nucléaire
c) Le niveau d’indépendance énergétique devrait être calculé par rapport à l’énergie finale
d) Enfin, l’ensemble des ressources primaires pour le nucléaire, l’uranium, sont importées.
e) Cependant, une partie de l’électricité est produite en réutilisant du plutonium et de l’uranium
retraité qui peuvent être considérés comme une ressource nationale Au final, le taux d’indépendance du point de vue de l’énergie finale s’établirait à 8,5 % environ en 2007, au lieu de 50 %.


Faibles prix de l’électricité, facture énergétique élevée
Les prix de l’électricité en France sont relativement faibles. Pour les prix standardisés pour les
consommateurs résidentiels au début de l’année 2007, la France se plaçait à la 13ème position sur 27 au sein de l’Union Européenne, au même niveau que l’Espagne ou le Royaume Uni. La comparaison des prix en standard de pouvoir d’achat (SPA) fait passer la France à la troisième position, derrière la Grèce et la Finlande mais à peine moins cher que le Royaume Uni ou l’Espagne. Le consommateur industriel français moyen se retrouve en 6ème position au sein de l’Union Européenne. La comparaison en SPA fait passer la France en quatrième position, derrière la Finlande, le Danemark, et la Suède.
Mais le prix du kWh ne dit pas grand-chose sur la facture énergétique totale. Les Français
consomment plus de pétrole et significativement plus d’électricité par habitant que leurs voisins. La facture énergétique totale des ménages français n’a jamais été plus élevée depuis 1970 qu’en 2006.
"Trois millions de français ont froid l'hiver", selon l'Agence Nationale de l'Habitat. EDF estime à trois
millions ou 10 % le nombre des ménages de France se trouvant dans une situation énergétique
précaire. 500.000 ménages ont accès au tarif de première nécessité (TPN), introduit en 2005, et
300.000 ménages reçoivent du soutien du Fond de Solidarité d'EDF. Selon le Ministère de l'Economie, le nombre total des ménages éligibles pour le TPN atteint deux million cette année. Le nombre de demandes d'assistance pour payer des factures énergétiques augmente au rythme de 15 % par an et les dépenses cumulées, estimées entre 150 millions et plus de 200 millions d'euros par an, assèchent les fonds sociaux régionaux et la Caisse d'allocation familiale (CAF).

Faibles prix de l’électricité = industrie compétitive ? La France n’a cessé de creuser son déficit
extérieur. En 2007, il a atteint 40 milliards d’euros et à la fin août 2008, il dépasse les 50 milliards d'euros en année mobile. Que l’on peut comparer à l’excédent commercial de l’Allemagne tout juste inférieur à 200 milliards d’euros. La politique nucléaire ne semble capable d’influencer ni la capacité à retenir une industrie forte consommatrice d’électricité dans le pays, ni à maintenir la balance du commerce extérieur.

Des assurances limitées
La France est signataire de la convention de Paris de 1960 et de la Convention de Bruxelles de 1963 sur la responsabilité civile. Ces conventions autorisent les signataires à adapter les réglementations à leur grès, en fonction de leurs besoins individuels. Dans le cas de la compagnie française EDF, le plafond avait été fixé à 91 millions d’euros pour un accident sur installation nucléaire, le plus faible d’Europe, selon une étude récente. Si les coûts consécutifs à un accident étaient supérieurs à la limite de l’exploitant, l’Etat français couvrirait 140 millions d’euros, auxquels peuvent s’ajouter 150 millions d’euros d’autres membres de la Convention. Ces montants ont été révisés en 2004 par des amendements à la Convention, et se montent désormais respectivement à 700, 500 et 300 millions d’euros. Les dommages d’un accident de l’ampleur de celui de Tchernobyl en France seraient plus vraisemblablement de l’ordre de centaines de milliards d’euros. Le montant total disponible de 1,5 milliards d’euros reste peu élevé, la moitié seulement devant être apporté par l’exploitant.

Les coûts de démantèlement et de gestion des déchets
L’exploitation et le démantèlement des installations nucléaires entraînent une responsabilité civile importante à long terme. La Cour des comptes a évalué l'ensemble des coûts à venir à 65 milliards d’euros (courants) pour les trois principaux exploitants nucléaires français EDF, CEA et AREVA à la fin 2004. Cependant les calculs concernant les coûts qui servent de bases aux provisions ne sont pas transparents et les données ne sont pas publiques ; l’administration n’a soit pas une force de travail suffisante ou n’est pas consultée. Par le passé, le calcul de certains coûts s’est avéré erronné d’un ordre de grandeur ou plus.

Un équilibre précaire entre la productivité et la sûreté nucléaire
La France est le seul opérateur au monde à fermer des réacteurs le week-end en été, faute de besoin. Plus de 40 réacteurs sont exploités en mode de suivi de charge. A la fin 2006, les réacteurs français affichaient un facteur de charge cumulé sur la durée de vie de 77,3 %. Après avoir augmenté entre 2000 et 2006, la disponibilité a baissé de nouveau en 2007, pour passer à 80,2 % (-3,4 %). La raison est là de nature clairement technique (problèmes au niveau des générateurs de vapeur), ce qui pose la question de savoir si le parc d’EDF serait capable d’atteindre facteur de charge de l’ordre de 90 %, comme les meilleurs au monde. EDF estime que le problème de générateur de vapeur va coûter 2 % de plus en disponibilité, au moins en 2008 et 2009. Ce problème n’est que le dernier en date d’une liste de problèmes génériques sérieux qui affectent le parc nucléaire français.
Le nombre total d’évènements significatifs pour la sûreté a fortement augmenté, passant de 7,1 par réacteur en 2000 à 10,8 en 2007, bien qu’EDF insiste sur le fait que le nombre d’évènements sérieux baisse.

EPR – European Problem Reactor ?
Trois ans après le début de la construction, le premier EPR (European Pressurized Water Reactor) franco-allemand, le projet Olkiluoto-3 en Finlande, accuse déjà deux ans de retard et au moins 50 % de dépassement de budget, les pertes pour le fournisseur étant estimées à 1,5 milliards d’euros. On ne sait pas qui va supporter les coûts supplémentaires.
A l’instar du cas finlandais, le projet d’EPR de Flamanville-3 dont la construction a commencé en
décembre 2007, subit une foultitude de problèmes de contrôle-qualité. En mai 2008, l’autorité de sûreté a suspendu pendant deux mois les travaux de coulage du béton, jusqu’à ce que des points clés soient sous contrôle. Apparemment, neuf mois après le début de la construction, le projet a déjà 9 mois de retard.
Erosion des compétences et inquiétudes concernant la force de travail La principale raison pour laquelle EDF construit un EPR est la crainte largement partagée de conséquences dévastatrices de l’aggravation du problème de perte des compétences. Environ 40 % du personnel d’EDF dans l’exploitation et la maintenance des réacteurs partiront à la retraite d’ici 2015. EDF va essayer d’embaucher 500 ingénieurs par an dès 2008. Le constructeur de réacteur AREVA a déjà commencé à embaucher 400 ingénieurs en 2006 et 750 en 2007. Cependant, l’enseignement
supérieur français ne produit pas plus de 300 diplômés nucléaires par an. “Le renouvellement des compétences est aujourd’hui la première préoccupation du management”, dit l'Inspecteur Général pour la Sûreté Nucléaire d'EDF, “cette préoccupation est aujourd’hui générale chez tous les acteurs du nucléaire, fournisseurs, prestataires, Autorité de sûreté, en France et à l’étranger”.

Opinion publique
L’attitude des Français face au nucléaire est similaire à la moyenne de l’Union Européenne. En 2005, selon une étude commanditée par l’AIEA5 seulement 25 % des Français interrogés se disaient favorables à de nouvelles centrales nucléaires, alors que 50 % se déclaraient favorables à la poursuite de l’exploitation des réacteurs en service, mais pas à de nouvelles constructions, et 16 % étaient en faveur de la fermeture des réacteurs en service. Les résultats sont remarquablement proches des réponses pour l’Allemagne, où l’on retrouvait 24 % en faveur de nouvelles constructions, 50 % pour la poursuite de l’exploitation sans nouvelles constructions, et 26 % en faveur de l’arrêt des réacteurs en service.
Un sondage réalisé pour la Commission Européenne en 2007 confirmait cette tendance. En France, 59 % des personnes interrogées étaient favorables à une réduction du nucléaire dans le mix énergétique, contre 28 % seulement qui étaient favorables à un accroissement du rôle du nucléaire 5 GlobeScan, “Global Public Opinion on Nuclear Issues and the IAEA - Final Report from 18 Countries”, commissioned by the International Atomic Energy Agency, October 2005

pour combattre le réchauffement climatique. Les résultats sur la France sont proches de la moyenne de l’Union Européenne à 27, où 61 % sont en faveur d’une baisse et 30 % d’une augmentation de la part du nucléaire.
Mais la prise de décision démocratique et l’opinion publique ont historiquement à peine influencé la mise en place du programme nucléaire français. “Mais à quoi ça sert ces discussions
parlementaires ?”, lançait Pierre Guillaumat dans une interview avec l’auteur en 1986.6 Administrateur général du CEA dans les années cinquante, puis ministre de la Défense, et parrain du Corps des Mines, il ne croyait pas à la consultation de l’opinion publique. “L’opinion publique, l’opinion publique, qu’est ce que c’est l’opinion publique ? Aux enfers, il y a l’opinion publique, ailleurs, je ne l’ai jamais
vue”.

Conclusion
Le programme nucléaire français a été conçu, développé et mis en oeuvre en grande partie en dehors de tout processus de décision parlementaire. Le manque de mécanisme de contrôle démocratique et de cadre juridique approprié a également entraîné un certain nombre d’erreurs de conception, d’erreurs stratégiques onéreuses, d’effets secondaires regrettables et une dépendance significative à une source unique et controversée d’électricité.
Le programme nucléaire français a raté son objectif d’indépendance énergétique et l’indépendance du pétrole ; le citoyen français consomme plus de pétrole que ses voisins, et sa facture énergétique n’a jamais été aussi élevée. De nombreux ménages se trouvent dans l'incapacité de faire face à leurs dépenses énergétiques.
L’électricité d’origine nucléaire, entièrement produite à partir d’uranium importé, ne couvre que 16 % environ de la consommation d’énergie finale. La France est restée aussi dépendante que la plupart des autres pays européens des combustibles fossiles, dont une partie est brûlée, en France et à l’étranger, pour couvrir la consommation croissante du chauffage électrique, très inefficace du point de vue énergétique.
La mise en place d’une économie du plutonium est à l’origine de l’accumulation de plus de 50 tonnes de plutonium séparé, et de nombreux transports de plutonium à travers le pays constituant un risque important de sécurité.
Une pression croissante sur les coûts conduit à de fortes répercussions pour la sûreté des installations existantes. Les exploitants, les fabricants et les autorités de sûreté doivent s’atteler au défi de combler le fossé des compétences creusé par le départ en retraite de milliers de techniciens qualifiés au cours de la prochaine décennie. Les nouveaux projets en Finlande et en France sont déjà confrontés à de sérieux problèmes de contrôle-qualité, et à des dépassements excessifs de budgets et de délais.